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Type de textesource
TitreTraité sur la peinture
AuteursDupuy du Grez, Bernard
Date de rédaction
Date de publication originale1699
Titre traduit
Auteurs de la traduction
Date de traduction
Date d'édition moderne ou de réédition
Editeur moderne
Date de reprintReprint Genève, Minkoff, 1973.

, p. 55

Voici encore une marque de son grand genie : il voyageoit sur mer lorsqu’une tempéte l’obligea d’entrer au port d’Alexandrie : Ptolomée y regnoit alors, et nétoit pas de ses amis : cependant un officier de la cour, qui savoit la situation des choses, fut pratiqué par quelque ennemi d’Apelle, et lui vint commander malicieusement, et comme de la part du roi de venir prendre un couvert à sa table. Il fut donc salüer ce prince, et le remercier d’une si grande faveur. Ptolomée parut un peu surpris, et lui demanda qui l’avoit invité de sa part ? Apelle fort étonné prit un charbon, et fit en quatre coups le portrait de cét oficier, que le roi reconnut d’abord, et en fut tres satisfait.

Dans :Apelle au banquet de Ptolémée(Lien)

, p. 54-55

La plûpart de ces peintres êtoient en reputation, dans le tems que la puissance des Macedoniens se rendit redoutable à la Grece, et s’étandit tout d’un coup dans l’Asie soûs Alexandre leur jeune roi : mais Apelle et Lisippe eurent toute la vogue, parce que ce roi ne voulut étre peint que par Apelle, et representé en relief que par Lisippe.

Dans :Apelle et Alexandre(Lien)

, p. 55

Apelle seul contribua à la perfection de la peinture plus que tous les autres peintres ensemble : il excelloit surtout par la bonne grace : et quoiqu’il admirat les ouvrages de plusieurs de sa profession, il disoit pourtant, qu’il leur manquoit ce je ne sai quoi, cette qualité que les Grecs appellent Carite : qu’ils avoient toutes les autres parties, mais qu’en ce point il n’étoit égalé de personne. [[4:suite: nimia diligentia]]

Dans :Apelle supérieur par la grâce(Lien)

, p. 55

[[4:suit Apelle grâce]] Il[[5:Apelle.]] se piquoit encore d’une autre qualité, lorsqu’admirant un ouvrage de Protogene, fait avec beaucoup de travail et de jugement : il dit qu’il égaloit ce peintre en toutes choses : mais qu’il le surpassoit en ce qu’il savoit retirer la main de dessus ses tableaux ; pour faire souvenir de ce precepte, que la trop grande exactitude peut porter du préjudice aux ouvrages de peinture. On a écrit de lui qu’il ne laissoit passer aucun jour, sans dessiner ou contourner quelque chose. [...] [[4:voir Apelle banquet de Ptolémée]] On remarque de Protogène qu’il étudioit extremement ses ouvrages, et qu’il avoit de la peine à les quitter.

Dans :Apelle et la nimia diligentia(Lien)

, p. 55

Apelle au reste surpassa tous les peintres de son temps, et tous ceux qui l’avoient precedé : on parle sur toutes choses de son tableau de la déesse Vénus : il l’avait representée sortant de la mer, et il avait pris pour modèle une des maîtresses d’Alexandre, qui s’appelait Campaspe, comme l’a écrit Pline : d’autres ont dit que cette déesse ressembloit à Phriné que ce peintre avait veu toute nuë, aux assemblées d’Éleusis ou à la Féte de Neptune.

Dans : Apelle, Praxitèle et Phryné(Lien)

, p. 51

Enfin, la peinture ayant aquis beaucoup de perfection, dans la suite de plusieurs siècles, un peintre apellé Bularque fit un tableau, où il representa le combat de Candaules roi de Lidie contre les Magnesiens. Ce roi le trouva si beau qu’il l’acheta au poids de l’or. On peut au reste conjecturer que ce peintre florissoit parmi les Grecs, dans le temps que Romulus jetait les fondemens de la ville de Rome.

Dans :Bularcos vend ses tableaux leur poids d’or(Lien)

, p. 306-307

La vrai-semblance est une partie si necessaire dans la composition, qu’il se trouve peu de peintres qui ne la choquent tres-souvent, lors qu’ils suivent leur caprice plutôt que la raison et la nature. C’est de quoi se plaint Vitruve, dans le septiéme livre de son Architecture, contre la plûpart des peintres de son siecle. Au lieu, dit-il, d’imiter les anciens peintres, qui peignoient toujours des choses naturelles, ou qui avoient la méme raison que les naturelles: ils avoient negligé leurs traces par une certaine depravation de goût et de mœurs. Ceux qui vouloient orner leurs palais faisoient plutôt peindre des monstres que des choses conformes à la nature : on peignoit – ajoute-t-il – des roseaux au lieu de colomnes. On leur faisoit porter des couronnemens faits de feüilles frisées retorduës et roulées ; on y voïoit des maisons suportées par des chandeliers, d’où il sortoit certaines tiges avec leurs feüilles ; et sur le tout encore des figures assises. Enfin pour comble de bisarrerie, il naissoit de leurs boutons, tantôt la moitié d’une figure humaine, avec la téte d’un animal, des animaux avec la tête d’un homme ou d’une femme.

Il est aisé de comprendre que ces sortes de grottesque representoient des choses qui n’ont jamais été, et qui repugnent si fort à la nature, qu’elles ne seront jamais. Aussi n’avoit-on introduit de ces sortes de peintures que dans les grottes, où l’on cherchoit le ridicule et l’extravagant, pour se divertir quelques momens : mais qui étoient insuportables dans les autres apartemens qu’on occupoit ordinairement. Nous voïons donc combien il est important de s’éloigner d’un tel déreglement, et avec combien de soin, on doit éviter tout ce qui choque la raison et la nature, ou du moins tout ce qui choque l’histoire veritable ou fabuleuse, et voilà ce qu’on apelle la vrai-semblance dans la peinture.

Dans :Grotesques(Lien)

, p. 50

Les uns soutenoient qu’elle[[5:la peinture.]] avoit commencé à Sicionne, les autres à Corinte ; quelques-uns en attribuoient l’invention à un Égyptien qui avait pour nom Philoclès ; et enfin d’autres soutenoient que c’étoit un bourgeois de Corinte, apellé Cleante, qui en fit la première tentative, par le moyen du contour de l’ombre d’un homme, qu’il traça sur une muraille. Nous avons pourtant reconnu depuis par la découverte de l’Amerique, que cette invention n’a pas été particulière aux Egyptiens ou aux Grecs, puisque les Ameriquains savoient faire des idoles et des figures de toute sorte d’animaux, lorsque Cristofle Colomb y fit sa premiere navigation. Mais pour revenir à ce que Pline en a écrit : il dit qu’Ardices de Corinte, et Telephanes de Sicionne, furent les premiers qui exercerent cet art. Il est vrai qu’on ne sauroit déterminer en quel siècle ils ont vêcu.

Dans :Les origines de la peinture(Lien)

, p. 49

Du reste si Pline avouë que la peinture était connue depuis fort longtems, lorsque les Sicioniens défendirent d’y faire élever les esclaves, ordonnant que le dessein ne seroit montré qu’à des personnes de condition libre, et que cet art seroit mis aux rang des libéraux du premier ordre : ce n’est pas que ce decret des bourgeois de Sicionne, fut nécessaire à la peinture, pour trouver place parmi les arts libéraux, puisqu’elle tient ce rang par son propre merite, comme la poëtique et la rétorique.

Dans :Pamphile et la peinture comme art libéral(Lien)

, p. 54

Pamphile êtoit très savant dans les matematiques, et croyoit qu’on ne pouvoit être grand peintre, sans la connoissance de la géométrie : il eut pour ses eleves Pausias de Sicionne, qui excelloit à faire des racourcis, et l’incomparable Apelle.

Dans :Pamphile et la peinture comme art libéral(Lien)

, p. 295-296

Car quoi qu’il[[5:Polyclète.]] ait donné à ses figures une beauté qui surpasse la nature, il ne leur a pas pourtant imprimé le caractere de la Divinité qui leur étoit necessaire : & n’a jamais representé que de personnes jeunes et tendres : on atribuë au contraire à Phidias et Alcamene tout ce qui manque à Policlete : quoique Phidias a mieux reüssi à representer des Dieux que des hommes, en quoi il a été incomparable, particulierement sur l’yvoire, quand il n’auroit fait que l’image de Minerve à Athenes, et celle de Jupiter Olimpien à Elide, où la beauté sembloit avoir ajoûté quelque chose au culte qu’on doit aux Dieux : tant son ouvrage avoit égalé la majesté du Dieu qu’il representoit.

Dans :Phidias, Zeus et Athéna(Lien)

, p. 57

Enfin[[5:après Alexandre.]] cet art commença de décheoir, parce que plusieurs s’atacherent à representer des choses basses et en petit : comme des boutiques de savetiers, des cuisines, des animaux, et des fruits : c’est à cause de ces bagatelles qu’on les apella riparographes parmi les Grecs.

Dans :Piraicos et la rhyparographie(Lien)

, p. 53

Timanthe, dont l’esprit êtoit extraordinaire pour l’invention : ce peintre ayant representé le sacrifice d’Iphigénie fille d’Agamemnon : on y voyoit la tristesse peinte sur tous les visages : mais elle paroissoit particulierement sur celuy de Ménélas son oncle : de sorte que ne pouvant rien faire au-delà, il s’avisa de lui cacher le visage avec une draperie. C’est aussi ce qu’a fait le chevalier Bernin à Rome dans la statuë du Nil, dont il a caché la tête, parce que la source de ce fleuve êtoit autrefois inconnue. Voici un autre exemple de l’esprit de Timanthe : il avoit peint un Cyclope qui dormoit, dont il vouloit faire comprendre la grandeur : il s’imagina de faire des Satyres qui mesuroient la longueur de ses doigts avec leur tirse.

Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)

, p. 52

Après lui[[5:Apollodore.]] on parla de Zeuxis d’Heraclée, qui se rendit admirable en toutes choses, mais particulierement donner la couleur naturelle à ses tableaux. Aristote dit pourtant de Zeuxis, qu’il étoit inferieur à Polignote de Thase dans ses expressions. Du reste un des plus beaux ouvrages de Zeuxis êtoit sa Penelope : car on y découvroit non seulement toutes les beautés de cette dame ; mais encore les meurs et les qualités qu’Homère lui attribuë.

Dans :Zeuxis et Polygnote : action et caractères(Lien)